En direct du bartas héraultais ....
La musique du BartAs: Mauresca!
Le groupe en interview.
Arno Catz, Olivier Pfersdorff et Inti Cohen étaient adolescents quand ils ont commencé l'escalade avec le club Scalata et on peut dire que ça a changé leur vie! La passion les a dévorés et ça continue encore aujourd'hui!
Inti, tout en poursuivant ses études après le bac, est devenu percussionniste dans un groupe de musique "ragga occitan": Mauresca (Mauresca Fracàs Dub). La musique du BartAs quoi! Un album a le même nom que votre blog préféré: Mauresca Fracas Dub – Bartas
http://www.deezer.com/album/410808
Grimpe et musique! Rencontre donc avec Inti, un des "Trois fils du Metek" (7a à Claret) à l'occasion de la sortie du nouvel album "Riota" et du concert au Rockstore mercredi 30/04/14:
Tout d'abord, que gardes tu comme souvenirs marquants de la période des débuts de l’équipement à Claret?
A l'époque, avec Olivier et Arno, nous étions tous jeunes. Cette période fut donc avant tout une période d'apprentissage, avec des "maîtres" de grande valeur (Hugues, Lulu, Pierre…) et surtout dans l'ambiance particulière, presque tribale, qu'il y avait alors à Claret. Les souvenirs les plus marquants restent sans aucun doute, les apéros dessins au bar de Claret (où nous partagions autour d'un verre et des fameux cahiers de Claret les faits marquants de la journée) et les fêtes de Claret qui étaient organisées chaque année à l'occasion de l'anniversaire de Lulu Berardini. Ces fêtes réunissaient au pied de la falaise les grimpeurs de la région : barbecue géant, musique acoustique (j'y ai d'ailleurs fait mes premières armes comme percussionniste), sound system et bien sûr le fameux élastique pendu au relais de Makossa sur lequel nous catapultions les volontaires.
Certains en ont un souvenir douloureux… L'escalade a connu une véritable explosion sur le clapas à cette période: équipements, ré-équipements, compétitions, fêtes à tout casser... Avec le recul, comment expliques-tu cet enthousiasme et cette énergie?
Il y avait d'abord quelques personnes qui étaient moteur à l'époque tant au niveau de l'équipement que de la vie sociale et associative autour de l'escalade. Mais il y avait surtout un esprit collectif avec des gens qui, sur la région, partageaient, si ce n'est une utopie de l'escalade, du moins une éthique et des valeurs fortes quant à la pratique de l'activité. Même si l'on a pu se faire traiter de sectaires vu de l'extérieur, il y avait une vraie dynamique autour d'une activité qui était vécue beaucoup plus largement qu'une simple activité sportive; l'état d'esprit comptait bien plus que la performance. C'est cette dynamique qui, en partie, nous permet aujourd'hui d'avoir tant de sites dans la région.
A ce propos, comment se porte le club Scalata?
Le club Scalata nature, qui est gérée par Arno, se porte très bien. Trois BE y bossent et nous proposons des cours pour les enfants, les ados et les adultes. Depuis quelques années nous avons ouvert un local à Montpellier (150 rue de Malbosc, à coté du Lycée Jean Monnet) avec un joli pan ouvert trois soirs par semaine, ce qui nous permet en plus de grimper de se retrouver autour de bons apéros.
Patrick Edlinger disait que l'escalade lui avait tout appris, et toi?!? Que gardes-tu aujourd'hui comme valeurs et principes qui te viennent de cette époque?
Ayant commencé très jeune (8 ans), l'escalade m'a appris beaucoup, mentalement, dans mon rapport avec l'environnement et surtout socialement. A la fois l'autonomie et la force du collectif que m'a amené l'escalade de cette époque, m'ont permis de me construire et de faire énormément de choses notamment dans la musique.
Es tu toujours "fanatico"? Ta pratique de la grimpe a-t-elle changé?
Fanatico lo soy, quand j'ai du temps. Ma pratique de la grimpe a évidemment évolué. Avec la musique, je n'ai pas trop le temps à partir de mai et jusqu'à septembre, mais j'arrive encore à grimper quelques mois en hiver. Par contre, entre la famille et la musique, je grimpe essentiellement autour de Montpellier. Régulièrement à Claret, à Saint Guilhem, au Thaurac, ou pour aller essayer les longueurs nouvellement équipées par Arno Catz ou Didier (Franco, excellent violoniste, NDLR)…
Et la musique dans tout ça? Comment est venue cette activité de percussionniste?
La musique en tant que telle ça a été un hasard et des rencontres. Là encore, le collectif est venu avant tout. Mauresca s'est formé en 1998 autour d'un groupe de potes à la fac Paul Valery à Montpellier. C'était d'abord un truc pour se régaler. Puis sont venus les premiers concerts, le premier disque (dont la pochette a été faite par Pierre Rouzo !) et puis quelques années plus tard la possibilité de se professionnaliser… Les percussions, j'ai appris sur le tas et aujourd'hui je chante et je joue du clavier. On est loin d'être des virtuoses mais ce qui compte c'est le résultat final, une musique collective forte avec sa propre identité.
Dans vos chansons vous abordez souvent les thèmes de la solidarité, de l'injustice sociale, de l'histoire et la culture du clapas et plus largement du Languedoc (le vin par exemple!). Comment ça se joue dans la construction d'un album? Ça dépend des rencontres? Des lectures? Des évènements?....
L'essentiel des textes est écrit par Chab (un des chanteurs du groupe), c'est donc lui qui souvent amène les thèmes des chansons. On peut dire que ça marche souvent comme un nom de voie, ça peut partir d'une actualité, d'une lecture ou d'une discussion entre nous… Après dans la construction d'un album, il n'y a pas forcement une réflexion approfondie sur les sujets abordés. L'important c'est que la chanson marche textuellement et musicalement.
Ça vient d'où cette affinité avec Sète?...
Deux membres du groupe (Drac le DJ et Benezet un des chanteurs) y ont habité pendant quelques années. Nous avons donc beaucoup trainé à Sète. On y a créé et enregistré de nombreux morceaux (notamment dans l'album précédent Coopérative). Mauresca Fracas Dub – Cooperativa. Et puis Sète est un port. Un peu comme Marseille, il représente pour nous la Méditerranée en tant qu'espace d'échange, carrefour culturel réunissant le sud et le nord, l'orient et l'occident.
Ça me rappelle votre chanson « Chez nous c’est pas Sud de France, chez nous c’est nord de Méditerranée ! ». On s'est vu il y a quelques mois au pied du caillou, à Claret, alors que tu enregistrais avec le groupe ce nouvel album. Tu m'avais dit que cette fois-ci vous disposiez de beaucoup plus de temps et de moyens pour enregistrer. Alors? Au final, c'est mieux?!
Mieux je ne sais pas, tu me diras après écoute. En tout cas, pour nous, ça a été une belle aventure de création. D'avoir les moyens et d'être sur place (les albums précédents ont été enregistrés à la Ciotat) nous a permis beaucoup de choses. Après, on a surtout travaillé différemment dans la composition des morceaux. Tout a été fait de manière collective et avec un nouvel arrivant dans le groupe, Massimo, notre sonorisateur, qui a beaucoup participé à la guitare.
C’est vrai que de "Seta" dans l'album "Contesta" (2005) à "La coopérative" dans "Bartas" (2011), le son a beaucoup évolué, il est devenu plus gros et varié. Qu'est ce qui vous fait avancer? De quoi vous nourrissez vous?
Le son a pas mal évolué avec les années, c'est vrai et avec ce nouvel album "Riòta" encore plus ! Il y a d'une part les moyens techniques et notre capacité à les utiliser. La base de notre musique est digitale, électronique, avec une grosse part de travail sur les ordinateurs. Avec les années on a pu avoir plus de moyens de ce coté là, et surtout on sait de mieux en mieux aller à l'essentiel et donc savoir vite le son que l'on veut pour tel ou tel morceau. C'est aussi valable sur tous les autres aspects de la création, que ce soit les arrangements ou l'écriture. Dans "Riòta" on a essayé, plus que ce qu'on avait fait auparavant, de faire des chansons qui racontent une histoire de manière simple et efficace, il y a moins de textes et plus de travail sur la musique. La base reste reggae/ragga dans l'esprit du sound system jamaïcain, avec, venant de chacun de nous, nos influences hip hop (pour Chab et Drac), reggae / dub (pour moi) et même musique traditionnelle (pour Benezet). Et puis l'apport de la guitare de Massimo c'est une couleur plus rock. Sinon cet album est peut être moins hip hop que les précédents car nous avons (Chab, Drac et moi) monté un nouveau projet il y a deux ans avec un ami rappeur. Ca s'appelle "Doctors de trobar" et c'est cent pour cent hip hop (l’album vient de sortir en CD).
Il me semble vous avoir entendu sur la radio d'état (France Inter) il y a quelques années, cet état jacobin que vous con-chiez (voir "Stéréotype"). Mais qu'est ce qui vous a pris?!!??? Est-ce qu'il vous arrive de jouer au-delà de la Loire?....
Oui il nous arrive de jouer au dessus de la Loire, et même à Paris ! Même si l'essentiel des dates c'est le grand sud et un peu l'étranger (Italie, Espagne). Sur l'Etat Jacobin, heureusement l'Etat français est loin d'être monolithique, il y a certes une forte tradition jacobine que l'on combat mais il y a aussi plein de gens ouverts aux langues du pays. On a d'ailleurs été les premiers étonnés quand France Inter a choisi dans sa playlist un morceau où il y avait beaucoup d'occitan. Comme quoi parfois il faut aussi arrêter de jouer les victimes du méchant Etat centraliste car on s'enferme vite dans une logique de marginalisation ou de folklorisation. Avec Mauresca et quelques autres groupes et collègues (comme moussu T), nous avons une position un peu atypique : anti nationaliste, anti régionaliste, pour nous l'occitan est une des langues de France et ce que l'on aimerait, c'est une normalisation de cette langue.
A propos de nationalisme, allez-vous faire comme Patrick Bruel (désolé pour la référence...) qui refuse de jouer dans les villes dirigées par le front national? J'habite Béziers...
Je ne veux pas parler pour les autres membres du groupe. Pour ma part, je différencie une ville et sa mairie (surtout quand on voit les taux d'abstention), mais c'est évident que je boycotterais toute invitation à un concert financé par la mairie car ces ***** de fachos sont très fort pour faire de la récupération. Par contre s’il y a moyen de jouer dans des circuits alternatifs, même mal payés, je suis pour à cent pour cent ! La résistance elle doit se faire de l'intérieur. Et Comme disait Lulu MORT AUX CONS.
Votre titre « Mauvaises idées » sur votre dernier album « Riota » est en effet assez clair… Votre public, c'est qui? Une majorité de jeunes sortis des calandrettes?... Des néo ruraux qui se la jouent?...
Notre public est plutôt assez varié et intergénérationnel (il y a des minots comme des papets). Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, il n'est pas composé en majorité de gens qui parlent occitan mais de gens qui s'y intéressent. On a bien sûr un fort public jeune qui nous suit, autour de la « Chourmo », l'association crée par Massilia Sound System, mais aussi le public assez classique de reggae ragga (qu'ils soient urbains, ruraux ou babacool).
Merci Inti ! A mercredi au Rxstre !!!
Le Calou.